Élue sportive de l’année, la paracycliste mayennaise aimerait marquer l’histoire de son sport.
Quand elle est apparue sur le grand écran de la cérémonie des sportifs de l’année le 16 décembre dernier à Espace Mayenne, son sourire lumineux et ses premiers mots de remerciements ont emballé le public. Il y avait chez cette jeune fille (elle a eu 18 ans le 30 novembre) de la maturité, de la spontanéité et de la fraîcheur qui faisaient plaisir à voir. Heïdi avait bien fait les choses. En effet, elle avait revêtu un t-shirt Terre de jeux Mayenne, parfaitement dans le ton de la soirée. Ce geste signifiait d’une part son attachement à son département – elle a quitté le foyer familial à 16 ans pour rejoindre le pôle espoir de paracyclisme à Bayonne où elle suit des études supérieures -, d’autre part son appartenance à la grande famille olympique. Heïdi Gaugain est une championne naissante. La grande majorité des Mayennais ne la connaît pas, excepté peut-être dans la région des Coëvrons et de la communauté cycliste. Son patronyme est souvent apparu dans les classements des courses cyclistes. Son papa, Fabrice, et son tonton Raymond furent, en effet, d’excellents cyclistes de première catégorie. Le vélo, Heïdi est donc tombée dedans toute petite : « Pas tout de suite », reprend-elle. « J’ai d’abord essayé la natation et le roller, mais le vélo m’a rattrapé assez vite, vers l’âge de 11 ans au Vélo Saint-Georges Aventure, le club que mon papa préside ». Les tout premiers coups de pédale ont été compliqués se souvient-elle : « J’ai vite compris que le cyclisme était un sport dur et que sans sacrifices, je ne m’imposerai pas ». Heureusement, Heïdi se plaît à souffrir sur un vélo : « L’entraînement ne m’a jamais rebuté. J’aime ça, même l’hiver quand on aimerait pourtant rester au chaud ! Mon niveau a progressé et cela m’a motivée », indique la Mayennaise qui fut membre de la structure d’entraînement et de formation de haut niveau à Laval (SEF 53) où son potentiel s’est révélé. Aujourd’hui, Heïdi est licenciée au sein d’un club basque espagnol (Bizkaia Durango), avec lequel elle pourrait participer au tour d’Espagne féminin à la fin de l’été...
Tout faire comme les autres
Heïdi est née sans avant-bras gauche. Cette malformation congénitale (agénésie) n’a jamais entravé l’épanouissement du bébé, de l’enfant et maintenant de la jeune femme qu’elle est devenue : « Je suis née sans cet avant-bras donc je n’ai pas connu de traumatisme lié à la perte d’un membre. D’ailleurs, j’ai vraiment pris pleine conscience de mon handicap quand j’ai dû m’aligner dans les compétitions réservées aux personnes en situation de handicap. Auparavant, cette absence d’avant-bras ne m’a jamais empêché de tout faire comme mes sœurs ». Sur son vélo, dont le guidon a été aménagé, Heïdi peut réaliser chaque mouvement du cycliste grâce à sa prothèse en carbone : « Se mettre en danseuse, sprinter en tirant au creux du cintre, s’appuyer sur les cocottes de freins, rouler en peloton ». Si le haut du corps d’un cycliste n’est pas aussi primordial qu’une bonne paire de jambes pour développer de la puissance, il n’en demeure pas moins que les bras jouent un rôle important dans la quête de performance : « Je compense mon handicap par plus de force dans les jambes », relate-elle. À telle enseigne que la championne mayennaise a réalisé, cet été, un exploit qui n’est pas passé inaperçu dans sa discipline. Heïdi est, en effet, devenue double championne du monde de cyclisme sur piste juniors chez les valides. Une performance incroyable qui laisse augurer de belles années, à commencer par la plus attendue de toutes, 2024 et ses Jeux paralympiques qui se dérouleront du 28 août au 8 septembre. « 2023 sera une année de peaufinage, notamment des détails techniques » ; les mois précédents l’échéance olympique seront propices à une montée en puissance pour atteindre un pic de forme début septembre, les efforts solitaires (poursuite sur la piste et contre-la-montre sur la route) étant ses disciplines de prédilection.
Multiple championne de France paracycliste, médaillée aux championnats du monde avec les valides, Heïdi rêve d’un destin olympique. Paris sera une première étape avec, elle l'espère, une heureuse surprise. Mais la jeune championne a de la suite dans les idées. Et vise 2028 et les Jeux de Los Angeles où elleambitionnededevenirlapremièrehandisportive de l’histoire à décrocher une médaille olympique et paralympique lors de la même session olympique.